204 JAZZ (s)

Réédition de deux raretés auto-produites sur l'obscur label Self-Reliance : In concert at Yale University, vol. 1 et Nommo, soit les deux seuls disques existants d'un duo mythique s'étant initié depuis une rencontre au sein du Giuseppi Logan Quartet en 1965. Les bandes de ce concert de 1966 ayant été depuis longtemps égarées, une remastérisation des 33 tours originaux fut miraculeusement accomplie. Photos des pochettes originales, peintes à la main, photo inédite du duo à la Nation of Islam Convention, interview de Milford Graves, etc. Soit le Saint-Graal du jazz improvisé, aussi frais et sauvage aujourd'hui qu'il le fut il y a cinq décennies.

Après 20 ans d'une étroite collaboration artistique et humaine déjà clairement concrétisée par la création du label Yolk et nombre de projets collectifs, les trois compères Alban Darche, Sébastien Boisseau et Jean-Louis Pommier formalisent ici un autre rêve longtemps différé : faire de ce trio de directeurs artistiques, de fondateurs de label, de porteurs de projets une véritable formation musicale. Clover marque son entrée en scène par un programme résolument poétique. Des pièces mélodiques écrites comme des écrins prêts à recevoir cet objet incernable qu'est la poésie. Elle est ici proposée comme une suspension du temps, ce temps que la musique n'a de cesse de multiplier, diviser, assembler, pour créer des formes qui portent du sens.

Après le succès de leur EP Juan Pablo : the philosopher paru en 2017, le quintette de jazz londonien sort enfin son premier album. Avec son incroyable technique et son approche inclusive qui s'inspire entre autres de l'afrobeat, du hip-hop, et du grime, Ezra Collective a su tirer son épingle du jeu d'une nouvelle scène jazz britannique en pleine expansion.

Dans cet album, le jazzman (Prix Boris Vian de l'Académie du Jazz 2004, Victoire de la Musique en 2009, Grand Prix du Hot Club de France en 2014 avec le Paris Swing Orchestra) a souhaité rendre hommage à quelques-uns des plus grands trompettistes de l'histoire du jazz (Louis Armstrong, King Oliver, Tommy Ladnier, Rex Stewart, Roy Eldridge, Cootie Williams, Buck Clayton, Joe Newman...) qui l'ont inspiré depuis son enfance et qui lui ont permis d'apprivoiser ce langage musical. Chacun de ces portraits, Patrick les esquisse avec son style, son feeling et son propre langage musical. Et l'on voit poindre au fil des morceaux et des arrangements originaux chaque trompettiste qui a marqué de son empreinte la destinée d'Artero dans cet Art Majeur qu'est la Musique de Jazz. Et quand Patrick joue, ils sont là, tous là... tout près de lui.

"Explorer la musique d'Emerson c'est un peu rendre hommage à la curiosité qui a fait toute ma carrière" dit Thierry Eliez. Il ne veut pas proposer une relecture de l'oeuvre de Keith Emerson, mais aller chercher les clés de l'oeuvre énigmatique, luxuriante, avant-gardiste et singulière qui a imposé la musique progressive anglaise au monde. Les clés d'une révolution musicale qui a définitivement modifié l'histoire du rock et de la pop music. Pionnier du genre, le compositeur et pianiste Keith Emerson, fondateur du groupe Emerson Lake and Palmer, est le premier à intégrer des pièces pianistiques concertantes, à trafiquer les sons de l'orgue Hammond pour lui donner une couleur effrontée, provocatrice, une audace qui séduira la jeunesse à travers le monde, avec plus de 49 millions d'albums vendus. C'est cette énigme-là, celle d'un compositeur dans son intimité, d'un pianiste, que Thierry Eliez vient percer avec ce disque.

Dès la première seconde du disque (alors que ces notes de basse chaudes et pincées à la main remplissent l'air) vous savez que vous écoutez quelque chose de différent. Et une fois qu'elle commence à chanter, il est assez clair que The women who raised me existe en dehors des règles normales qui régissent l'espace, le temps et le talent. Cet ensemble tend fortement vers le jazz tandis que Springs voyage à travers un siècle de musique.

Eur première rencontre au Duc des Lombards a eu lieu le 21 janvier 2011 ; elle leur a donné envie de prolonger le plaisir de jouer ensemble, avec pour seule ligne directrice l'instant... Cet album réunit deux fortes personnalités du jazz : trompettiste émérite, Nicolas Folmer utilise son expérience de compositeur et la maîtrise de son instrument pour créer des ambiances aériennes, sur lesquelles Daniel Humair tisse avec ses baguettes des envolées intenses. Leurs morceaux respirent, brossent le rythme, et s'étoffent ; les thèmes sont prétextes à des voyages vers l'inconnu. Au piano, Alfio Origlio mélodiste exceptionnel, y apporte sa subtilité, ainsi qu'une composition ; et Laurent Vernerey avec sa contrebasse diffuse avec classe et discrétion l'influence de ses exceptionnelles collaborations sur la scène artistique internationale. Des compositions de l'un et de l'autre revisitées, des créations du moment en studio, les artistes se font plaisir et cela s'entend !

Après avoir joué un peu partout avec son trio en Europe, mais également aux USA, au Canada et au Japon, remporté haut la main les tremplins de grands festivals (Jazz à Sète, Nice Jazz Festival, Jazz En Baie) et sorti quatre disques explorant aussi bien le soul-jazz des 60s que l'electro-jazz de la fin des 90s, le guitariste angevin a décidé d'explorer de nouveaux territoires sonores... en quartet ! Résolument seventies, cet opus alterne groove efficace, mélodies bien senties et improvisations guitaristiques inspirées. Pari réussi pour Alex Grenier et son quartet de haute volée dont la musique toujours sincère ne tombe jamais dans la facilité.

Le superbe trompettiste Tom Harrell, qui a publié des enregistrements en tant que leader depuis 1989, a un nouvel album, Something Gold, Something Blue, sur HighNote avec son collègue trompettiste Ambrose Akinmusire, ainsi que le guitariste Charles Altura, le bassiste Ugonna Okegwo et le batteur Johnathan Blake. Harrell est un arrangeur et compositeur prolifique et une présence encore fascinante et mystérieuse dans ses concerts et le studio. Son curriculum vitae est impressionnant, avec des contributions à des bandes dirigées par Stan Kenton, Horace Silver et Joe Lovano. Il a écrit les partitions pour des ballets et des arrangements pour orchestres symphoniques et son dernier album HighNote First Impressions (HCD 7276) était dans le Top dix des meilleurs albums de jazz de 2015 dans le sondage de la 64e Annual Downbeat Critic s alors que Akinmusire et Harrell ont pris les deux premières places dans la catégorie de la trompette dans le même sondage.

Certains l'ont qualifiée d'OVNI (Objet Vocal Non Identifié) pour traduire sa virtuosité vocale : scat, vocalises, envolées lyriques, impros, effeuillages a capella, timbre de velours, la soprano multiplie les jeux de voix au service de la musique. Mais voilà une diva qui ne se la joue pas. Marie Mifsud préfère le terme d'expression vocale à celui de chant et se voit comme une "passeuse d'émotions". Pour cette musicienne inventive, la voix est un instrument, véritablement, tout autant qu'une plume trempée dans l'encrier des sensations quotidiennes. Tout au long de cet album, les mélopées de Marie dressent de somptueux décors : naviguant du tango à la batucada, du swing à la musette, l'artiste traverse le Paris canaille et la East Coast en faisant escale dans les torpeurs latines et les fièvres africaines. Sur sa mappemonde, Marie zigzague entre pop, rock, kizomba, musique électronique, sans oublier les ponts entre le jazz et la chanson à texte.

Après une période de retraite notamment à la suite du décès du pianiste Eddie Higgins, son mari, Meredith d'Ambrosio revient au disque avec ''By Myself'', un album remarquable où, comme son nom l'indique, elle chante pour la première fois seule, en s'accompagnant au piano. Malgré 17 albums à son actif, c'est la première fois également qu'elle consacre un disque entier à un compositeur, en l'occurrence ici Arthur Schwartz, compositeur américain qui a souvent revivifié le Jazz avec des éléments de Musique Viennoise ou avec celle des Dance-Hall anglais. Le résultat est saisissant : une émotion pure se dégage de ce disque magnifique où Meredith se réapproprie les thèmes avec une grande intensité et une grande beauté. A noter également la pochette, toute en nuance également, peinte par l'artiste elle-même, pour illustrer encore mieux son propos. Une belle réussite !

Après Love Is Everywhere, Laurent Bardainne emporte son Tigre d'Eau Douce dans une exploration dédiée à l'astre du jour. Arnaud Roulin (complice de Bardainne dans Thomas de Pourquery Supersonic) à l'orgue Hammond, Sylvain Daniel (Camélia Jordana et l'ONJ) à la basse, Philippe Gleizes à la batterie, Roger Raspail aux percussions : c'est avec le même quartet de fidèles qu'il a écrit ces nouvelles aventures félines. Le saxophone mat de Bardainne laissant les grands noms du jazz spirituel faire écho dans ses clés, le compas musical ouvert depuis le hip hop jusqu'aux rythmes africains, de Pharoah Sanders à Kruhangbin et Sault, Hymne Au Soleil guide le Tigre dans un voyage onirique et cinématographique vers une soul rétro futuriste solaire.